RDC : décentralisation, pourquoi tant de précipitation ?

La RDC se décentralise en créant 15 nouvelles provinces. Une initiative consensuelle qui peine pourtant à se mettre en place, faute d‟argent, de temps et d‟anticipation. Que cache cette décentralisation à marche forcée ? La République démocratique du Congo (RDC) a changé de visage depuis le 30 juin 2015… sur le papier seulement. La RDC vient en effet de passer de 11 à 26 provinces, permettant ainsi à ce gigantesque pays-continent, grand comme 5 fois la France, de rapprocher les Congolais de leurs centres de pouvoir. Un bénéfice très théorique pour l‟instant, puisque la décentralisation du Congo, qui traînait depuis 2006 dans les tiroirs, est encore loin d‟être effective sur le terrain. Les élections des gouverneurs des 21 provinces concernées par ce découpage ont été retardées d‟un mois, pour être fixées par la Commission électorale (CENI) au 31 août 2015. Pour le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, la décentralisation du pays est « réussie et salutaire ». Mais pour bon nombre d‟observateurs, le découpage de la République démocratique du Congo paraît quelque peu « précipité ».
Consensus
Le projet de démembrement des provinces congolaises était pourtant un des rares dossiers consensuel du pays. Majorité, opposition et société civile sont tous d‟accord pour décentraliser le pays et rendre les provinces « plus faciles à gouverner ». Certaines provinces comme l‟Equateur sont en effet aussi grandes que des pays comme l‟Espagne. Le manque d‟infrastructures (routes, voies ferrées, électricité, eau… ) rendent ces territoires trop éloignés de la capitale pour être correctement administrés. Rapprocher les citoyens des décideurs politiques paraît donc pour tout le monde « une bonne idée ». Mais plusieurs craintes inquiètent les observateurs ainsi que les opposants politiques au président Joseph Kabila.
La rétrocession au point mort
« La plupart des indicateurs sont au rouge pour une transition apaisée et réussie de 11 à 26 provinces », estime un observateur international. Il y a tout d‟abord un manque criant de moyens financiers pour accomplir l‟installation des nouvelles institutions sur le terrain. Depuis 2006, aucun budget n‟a été dégagé pour formaliser la décentralisation dans les territoires. Les nouveaux bâtiments des assemblées provinciales ne sont pas construits ou n‟ont pas été modifiés pour le nouveau redécoupage. Certains territoires ne bénéficient d‟aucune infrastructure pour accueillir les nouvelles administrations. Plus inquiétant : l‟Etat ne redistribue toujours pas, ou au compte goutte et de manière incomplète, les sommes d‟argent qu‟il doit rétrocéder aux provinces pour leur fonctionnement. L‟Etat doit en effet reverser 40% de ses recettes aux provinces. Mais le compte est loin d‟y être. Notamment pour les provinces « riches » comme le Katanga, qui n‟a reçu que 65 millions de dollars sur les 460 promis par Kinshasa en 2014.
Disparités
Autre point noir d‟une décentralisation « qui n‟a visiblement pas été anticipée » : les disparités entre territoires. Le découpage de la RDC risque de pénaliser certaines nouvelle provinces redécoupées, moins riches en matières premières que ses voisines. L‟exemple le plus criant est bien entendu celui de la riche province minière du Katanga, qui se retrouve découpée en 4 nouvelles provinces, créant ainsi des déséquilibres flagrants entre le riche Sud minier et le Nord agricole, plus pauvre. Mais ce qui fait surtout bondir l‟opposition politique, c‟est la précipitation de ce redécoupage et sa proximité avec de nombreuses élections. Alors pourquoi aller si vite ? C‟est le président Joseph Kabila lui-même qui mis le « booster » sur la loi de décentralisation, en souffrance depuis 2006. Les opposants au projet affirment que deux objectifs expliquaient la précipitation du découpage des provinces. Dans la ligne de mire du président congolais, il y a tout d‟abord le très populaire gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, dont on prête des ambitions présidentielles. Si Joseph Kabila ne peut pas briguer de troisième mandat, ce que lui interdit la Constitution, on sait peu de chose sur les intentions réelles du président complais. Passera-t-il la main ou modifiera-t-il la Constitution au risque de provoquer l‟ire de l‟opposition et de la communauté internationale ? Pour le moment le suspens est total. Le démenbrement du Katanga met pourtant le tonitruant gouverneur Katumbi « à la retraite forcée », le privant ainsi d‟un des postes politiques les plus en vue du Congo.
Retarder le processus électoral
Le deuxième objectif que souhaiterait atteindre le président Kabila en accélérant la décentralisation du pays est de retarder le processus électoral. C‟est le fameux « glissement » dénoncé par l‟opposition, qui pense que le seul moyen pour Joseph Kabila de rester au pouvoir est de faire « glisser le calendrier des élections » afin de se maintenir au pouvoir au-delà de 2016. Le retard pris dans la désignation des gouverneurs pourrait en être un des maillons, avec le report des élections locales, que Kinshasa s‟apprête à retarder (trop chères et trop complexes à organiser). Pour l‟instant, les « candidats gouverneurs » sont appelés à déposer leur dossier du 24 au 28 juillet, avant le lancement de la campagne fixé au 27 et 28 août dans les assemblées provinciales. Le vote pour l‟élection des gouverneurs et vice-gouverneurs doit intervenir le 31 août, pour un résultat publié « le jour même » par la Commission électorale (CENI). A moins qu‟un nouveau report soit annoncé… une décision qui n‟étonnerait personne.

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