Les pertes de l’armée syrienne créent des remous au sein du camp pro-Assad

Les pertes récentes de bases militaires syriennes au profit des jihadistes ont provoqué une vague de critiques sans précédent dans les rangs des inconditionnels du clan Assad. Au point d’être réprimés à leur tour.

"Où sont-ils ?" En intitulant ainsi une campagne lancée sur les réseaux sociaux, Moudar Hassan Khaddour, un activiste pro-Assad, semble avoir posé la question de trop. Il demande en fait au régime syrien de faire la lumière sur la mort de centaines de soldats loyalistes.
Selon des proches et des militants, cet avocat issu de la communauté alaouite, celle du président Bachar al-Assad, a été arrêté le 29 août à Damas par les services secrets les plus redoutés par la population, à savoir ceux de l’armée de l’air syrienne. Ces derniers lui auraient tendu un piège : ils l'auraient convoqué en lui promettant de fournir des informations sur les soldats disparus pour les transmettre à leurs parents.
Les pro-Assad somment le régime de s’expliquer
En réclamant des comptes, Moudar Hassan Khaddour a donc fini par irriter les caciques du régime. Il les avait déjà interpellé sur sa page Facebook "Les aigles de Tabqa", créée le 17 août en hommage aux soldats de la base aérienne de Tabqa (nord), tombée depuis le 24 août aux mains de l’organisation de l’État islamique (EI). La grande majorité des ces soldats avait alors été exécutée sommairement.
Moudar Hassan Khaddour s’était notamment indigné de la légèreté des explications officielles sur les pertes élevées subies depuis plus d’un mois par l’armée syrienne. Il avait même qualifié le ministre de la Défense, le général Fahd al-Freij, de "ministre de la mort". Entre juillet et août, au moins 2 350 soldats ont ainsi péri dans les combats en Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une ONG basée à Londres et proche de l’opposition. L'activiste avait notamment laissé entendre que la base stratégique de Tabqa avait été abandonnée par le régime.
De leur côté, les médias du régime avaient évoqué un repli tactique. Mais cette version a ensuite été mise à mal avec la publication par les jihadistes de vidéos montrant l’humiliation puis l’exécution des soldats de la base aérienne.
Depuis, les messages de soutien réclamant la libération de l’avocat pro-régime s’accumulent sur sa page Facebook. "Moudar Khaddour n’est pas un traître. Ni un collaborateur. Ni un terroriste", est-il notamment écrit sur le réseau social. Les militants qui ont pris le relais de l’avocat pour alimenter la page en question ont même appelé le président syrien à intervenir et à le faire libérer.
Parallèlement, toujours sur les réseaux sociaux, les opposants du régime ironisent sur le "réveil tardif" des partisans du pouvoir, qui découvrent ses mensonges et ses arrestations arbitraires. "Enfin vous voyez que votre régime arrête les gens à cause de leurs opinions", écrit l’un deux sur la page "Les aigles de Tabqa".
Les critiques se multiplient
Cette affaire a de quoi inquiéter le régime syrien, peu friand des critiques internes, et qui tolère encore moins celles venues des rangs de ces inconditionnels, censés lui être les plus fidèles. Outre Moudar Hassan Khaddour, quatre autres partisans alaouites du régime ont ainsi été arrêtés après avoir critiqué le pouvoir et tenté d’organiser des manifestations pour réclamer la démission du ministre de la Défense, a rapporté mardi l'OSDH. Trois d'entre eux ont été arrêtés à Lattaquié et un à Tartous, deux fiefs du président Assad situés dans l'ouest de la Syrie.
Pis, la semaine dernière, Douraid al-Assad, le propre cousin du président syrien, a lui aussi publiquement critiqué sur sa page Facebook la perte de la base de Tabqa. "Je demande la démission du ministre de la Défense, du chef d’État-major, du commandant des forces aériennes, du ministre de l’Information et de quiconque est responsable de la chute de l’aéroport militaire de Tabqa et porte la responsabilité de la capture et de l'assassinat de centaines de soldats de l'armée arabe syrienne", a écrit le fils de Rifaat al-Assad, frère cadet de l’ancien président syrien Hafez al-Assad (1930-2000), banni par le régime et qui vit désormais en exil.
Cette vague de critiques coïncide avec la montée en puissance de l’EI en Syrie, qui inquiète les fidèles du régime, sur lesquels s’appuie pourtant le président pour s’accrocher au pouvoir et se fournir en soldats. Et si la responsabilité de Bachar al-Assad n’a jamais été pointée du doigt directement, nul n’ignore dans le pays que dans les faits, le ministre de la Défense ou le chef d’État-major n’ont aucun pouvoir réel. Finalement, ces critiques, qui émanent du propre camp du président syrien, visent directement le sommet du régime.

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